Publié par Lauren Clark
écrit pour trop-libre.fr

Barbara Chanteuse

Quand on pense à une chanson ou à la musique, généralement plusieurs sentiments sont évoqués. La chanson est une façon de s’exprimer, parfois plus forte que si l’on parlait simplement, et souvent l’orchestration de la chanson crée une tonalité et une atmosphère qui peuvent ainsi parler plus que les paroles. En France, comme dans chaque pays et culture, la musique est une partie intégrée à la société, et surtout dans le domaine politique. Il est évident que l’histoire et la politique sont inextricablement tricotées dans la chanson français, s’influençant mutuellement. Mais on se pose la question : juste à quel point les chansons françaises reflètent la vie politique de la France d’hier et d’aujourd’hui ?

On commence en 1866 où la chanson “Le temps des cerises”, fréquemment associée à « la Commune de Paris », apparaît. La Commune de Paris est une période insurrectionnelle de l’histoire de Paris qui a duré environ deux mois, de mars à mai 1871. Cette agitation contre le Gouvernement, issu de l’Assemblée Nationale qui venait d’être élue au suffrage universel, a débuté pour la ville une organisation similaire de l’autogestion. Cette insurrection était ainsi en partie une réaction à la défaite française de la guerre franco-prussienne de 1870. Néanmoins, cette chanson a été écrite par Jean-Baptiste Clément, un révolutionnaire français, comme chanson d’amour. Après le massacre des Communards, elle devient chant révolutionnaire. La chanson est l’une des plus grandes chansons d’amour de l’Histoire de la chanson française, universellement connue et mainte fois reprise. “Le temps des cerises” est un classique du répertoire de la gauche française, chantée aux meetings et manifestations.

On passe à l’année 1943 – période de la seconde Guerre Mondiale –  où le poème La rose et le réséda a été écrit par le poète Louis Aragon comme hommage à Gabriel Péri, d’Estienne d’Orves ainsi Guy Môquet et Gilbert Dru, quatre résistants, tous morts fusillés par des nazis allemands. Ce texte est une ode à la tolérance. Ces hommes résistaient contre la barbarie, le racisme, l’ostracisme, l’odieux. Si on analyse le titre « La Rose et le Réséda », on peut noter la lecture politique et religieuse du texte. La rose est le symbole du socialisme, et sa couleur rouge évoque irrésistiblement les communistes (dont Aragon fait partie). Le réséda, quant à lui, est une fleur qui représente la droite politique, notamment à travers sa couleur blanche qui est à la fois la couleur de la monarchie française et des catholiques. Au cœur de l’année 1943, la France est occupée ainsi que presque défaite militairement et moralement par les Allemands. Ce poème de la Résistance appelle à unir toutes les forces de la nation, les communistes autant que les chrétiens, la gauche et la droite, pour lutter contre l’occupant et se libérer de la tyrannie. Il a été mis en musique par le groupe La Tordue, et à ce jour la chanson est beaucoup écoutée et très connue.

On saute à l’année 1954, où la guerre d’Indochine n’est pas encore finie et celle d’Algérie débute. Les forces françaises sont envoyées de l’autre côté de la Méditerranée. Boris Vian, né en 1920, avait 34 ans quand il a écrit la chanson Le déserteur. Il écrit Le déserteur, une chanson anti-militariste, sous forme de lettre ouverte à René Coty, le Président de la République. Cette lettre appelle à ne pas s’engager dans la guerre. Elle a été interprétée par le pouvoir de l’époque comme une menace et donc était interdite de diffusion radio et de vente à sa sortie par le conseiller Paul Fabel jusqu’en 1962 ; à la fin de la guerre d’Algérie. On peut voir avec cet exemple que la chanson peut avoir un impact assez fort sur une société, même si dans le cas de Le déserteur, C’est une chanson pacifiste de protestation ; et surtout c’est un appel à la paix.

Georges Brassens, icône français, né en 1921 à Sète, bien qu’il ait des chansons très rigolettes, il avait écrit plusieurs chansons très controversées, surtout pour leur facette antimilitariste et pacifiste.  En 1964 Brassens sort Les Deux oncles, dans laquelle il renvoie les combattants de la Seconde Guerre mondiale pour exprimer l’horreur qui lui inspire la guerre.  La chanson appelle à tourner la page et refuser toute activité d’engagement violent pour des idées, et « au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi, mieux vaut attendre un peu qu’on le change en ami. » Cette chanson a été très critiquée par la presse, et même a troublé certains de ses admirateurs, qui reprochaient à Brassens de ne pas faire de distinction entre la Résistance contre les Nazis et la collaboration active ou passive avec eux. Donc, il écrit huit ans plus tard la chanson Mourir pour des idées, qui explique peut-être mieux ses idées et qui a été appréciée par ses admirateurs et tant d’autres.

Un très bel exemple du pouvoir de la chanson dans la vie politique et historique se trouve dans la voix d’une dame magnifique. Barbara, la Dame Brune, née Monique Serf, est très connue pour ses chansons L’aigle noir, Nantes, et Dis, quand reviendras-tu ? en France, mais elle est surtout reconnue en Allemagne pour sa chanson Göttingen, sortie en 1964 sur son album Le Mal de vivre. La chanson évoque les guerres franco-allemandes qui ont divisé les deux pays et leurs nombreuses victimes, dont surtout les enfants. Ces deuils unissent les deux nations à travers l’hymne à l’amitié franco-allemande de Barbara. Voici quelques paroles touchantes de la chanson : “Mais les enfants ce sont les mêmes à Paris ou à Göttingen”…

Il existe des milliers de chansons engagées, politiques et historiques qui sont intimement intégrées dans la culture et société française. A part de celles qui ont été mentionnées ci-dessus, il y a Les Anarchistes de Léo Ferré, sortie en 1969 qui critique le système politique. Chaque idéologie politique a eu ses détracteurs et partisans parmi la chanson française (et qu’il a beaucoup modifiée pour convenir l’air du temps quand il l’a chantée en concert), plus récemment, en 2006, la chanson Marine de Diam’s qui s’attaque directement à Marine Le Pen du Front National, et finalement en 2011 la chanson d’Alex Beaupain, Au départqui trace un parallèle entre l’histoire de la gauche en France et celle d’un couple. Alors que la musique et la chanson sont des formes d’art, elles sont ainsi des formes d’expression extrêmement fortes, persuasives et émouvantes qui imprègnent et relient un pays avec sa culture, son histoire et d’autres.

(1866) Le temps des cerises : https://www.youtube.com/watch?v=ncs4WlWfIZo

(1943) La rose et le réséda – Louis Aragon : https://www.youtube.com/watch?v=dUuz2ufAaOE

(1954) Le déserteur – Boris Vian : https://www.youtube.com/watch?v=gjndTXyk3mw

(1964) Les deux oncles – Georges Brassens : http://www.dailymotion.com/video/x8mb50_brassens-les-deux-oncles_music

(1964) Göttingen – Barbara : https://www.youtube.com/watch?v=s9b6E4MnCWk

(1967) Ils ont voté – Léo Ferré : https://www.youtube.com/watch?v=zvRKluULeK8

(1969) Les anarchistes – Léo Ferré : https://www.youtube.com/watch?v=_1PcOsbJbLI

(2006) Marine – Diam’s : https://www.youtube.com/watch?v=TsL-2R402r4

(2011) Au départ – Alex Beaupain : https://www.youtube.com/watch?v=h5uPfdhqNfk

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